Comme vous l'apprendrait cette page de Wikipédia si vous savez lire le japonais, l'école Hokushin-ittô (école de l'étoile du nord pour sabre unique) a été fondée pendant l'ère Edo (1603 - 1868) par Chiba-sensei. Et par les descendants de cette école, j'ai moi-même eu l'honneur de recevoir un échantillon de ces techniques anciennes, dont la principale ligne de conduite est le maintien de la lame au centre, y compris dans les techniques suri-age. C'est concrètement un peu un mixe entre le kendô et l'iaïdô, et une partie de l'enseignement comporte les 五行の型 (gogyô no kata), ce qui m'a permis de les revoir (pour le peu que j'en connais).
On a pratiqué à la fois au bôken et au iaïtô, mais la partie la plus précieuse pour moi, c'était la coupe au shinken (sabre affûté), sur rouleaux de tatami mouillé et sur tiges ou troncs de bambou.
Bien entendu, ça n'est pas simple du tout, mais ça n'est pas non plus aussi difficile que je le pensais. Evidemment, parmi les fondamentaux, il est absolument nécessaire de retirer toute force du coup, excepté au moment précis de l'impact, comme on l'apprend aussi bien en kendô qu'en iaïdô. Pour cette partie, on est prévenu depuis tout petit. Cela dit, il est important de donner de la vitesse (et donc de la puissance) à la lame avant l'impact, afin qu'elle tranche (c'est quand même le but de l'opération).
Un des autres points importants pour faciliter une coupe correcte est de rester le plus vertical possible par rapport à la cible, que l'on tranche légèrement de biais, fondamentalement de haut en bas, de droite à gauche ; plus on incline le tranchant horizontalement, plus la coupe est difficile, et la lame pénètre mal et fait du hachis en restant prise dans la cible. Un de mes compagnons passablement doué et très prévenant, Nakazawa, m'a aussi conseillé de visualiser le point d'impact du sabre à la sortie de la cible, et non pas à l'entrée.
Enfin, il est plus pratique, autant que possible, de maintenir la partie du corps située entre le tronc et les hanche à peu près au niveau de coupe. Id est, plus votre rouleau de tatami rétrécit au fur et à mesure que vous le sabrez, plus il faut abaisser vos hanches et descendre sur vos appuis pour rester à bonne hauteur.
Nakazawa-san exécutant une coupe nette |
Pour ce qui est des cibles, le tatami mouillé a la même consistance qu'un muscle (gorgé de sang), et se tranche généralement avec un katana spécial, doté d'un tranchant en triangle, qui favorise ce genre de coupe "d'exercice". La coupe du bambou, qui représente les os, s'exécute avec un katana classique, dont le tranchant est plus arrondi (plus massif donc), et fait pour être capable de trancher aussi bien les parties rigides du corps que les parties molles.
La prochaine fois, j'aimerais essayer la pastèque (pour ceux qui se demandent, non, ça ne fait pas partie des exercices traditionnels) !
Pour faire tout ça, il a fallu se prendre un week-end complet à Suwa, dans le district de Nagano, à quelques heures en voiture de Tokyo. J'y ai en fait été invité par Ôtsuka-sensei du Shûdôkan, qui est un adepte de cette école, et un ami du professeur Takano, qui dirigeait le stage. Ce dernier était à la fois très aimable et très instructif.
Ôtsuka-sensei a été obligeant jusqu'à l'embarras, car il nous a conduit, toute une petite troupe de japonais et de gaijin pratiquants de cette école rare, dans une voiture 8 places (pleine à craquer) louée à ses frais, et nous a tous payé l'hôtel pour la nuit là-bas. C'est donc en quelque sorte tous frais payés que j'ai eu ce complément de formation du parfait kenshi.
La cerise sur le gâteau, c'est que j'ai même eu mon moment de gloire, puisqu'un journal local de Nagano plutôt connu (en tout cas par les gens originaires de Nagano, comme c'est le cas de Tan-chan) nommé le 信濃毎日新聞 (Shinano mainichi shimbun), a fait un article sur ce stage. Le coup du destin, c'est que le journaliste qui nous a interviewé avait fait Science po en France... J'ai donc eu droit à mon nom suivi d'une citation en page 30, avec une photo couleur.
Si c'est pas carrément trop la classe, ça !
Titre : De jeunes Occidentaux font l'expérience du Kenjutsu |